Lorsqu’on regarde le parcours de Nathaniel Mary Quinn, on pense immédiatement à une fiction, un conte moderne, urbain. Cet artiste américain a grandi à Chicago dans l’un des pires ghettos des États Unis. Une famille illettrée, un père accro au jeu, une mère paralysée après plusieurs accidents vasculaires cérébraux et une fratrie composée d’alcooliques et de toxicomanes. Au sein du plus grand complexe de logements sociaux du pays dont 95% des habitants vivent avec moins de 5 000 $ par an, il croise les pires truands, est confronté aux trafics, aux vols et aux crimes quotidiens (jusqu’à 28 morts en un week-end). Sa mère le laisse dessiner sur les murs de l’appartement, son père retire les gommes de ses crayons et lui explique “qu’il ne faut jamais effacer. Toute trace a une signification. Si tu fais une erreur, utilise la pour la mettre à profit dans ce que tu réalises.”

A quinze ans, alors qu’il a obtenu une bourse d’étude dans un collège huppé de l’Indiana, sa mère décède. Lorsqu’il revient chez lui à Chicago pour les obsèques, il découvre un appartement vide ; le reste de sa famille es parti sans laisser de trace. C’est à ce moment là qu’il prend la décision de survivre, d’échapper à un destin sombre qui semble pourtant déjà écrit. Il se plonge dans les études, passant les vacances scolaires dans les familles aisées de ses camarades de classe qui veulent bien l’héberger alors qu’il n’a pas de toit. Quelques années plus tard il est diplômé en art de l’université de New York.

Aujourd’hui ses portraits sont ceux des fantômes du passé, il explique : “Je marche dans la rue et j’ai des visions. Je ne les note jamais car je ne les oublie jamais. Mes visions sont souvent des souvenirs qui continuent de m’habiter, la manifestation d’une marque indélébile faite par mes expériences.” Nathaniel Mary Quinn nous plonge dans l’univers de son enfance, peuplé d’un bestiaire féroce, intense, effrayant et parfois grotesque. Une jungle qu’il fallait soit subir, soit affronter en jouant un personnage cohérent. “On se bat pour convaincre les spectateurs d’une vie apparemment homogène, mais en nous il y a une tension, une rupture et des éléments en contradiction. C’est notre état brut. C’est ce que je veux peindre.” Ses peintures sont le témoignage de la souffrance et de la tristesse qui ne le quittent jamais et de la liberté qu’il a gagné en s’acceptant. Il trouve aussi son inspiration dans les photographies, les films, la musique… il adore regarder des vidéos sur youtube où des producteurs de hip-hop sont en studio en pleine création : “vous sentez l’existence d’une énergie sans effort, où une pensée excessive ne fait pas partie de l’équation.” L’énergie de ses portraits est là, le trouble qu’ils provoquent est bien présent. Cet artiste semble sortir tout droit du poème de Tupac Shakur : The Rose that Grew from Concrete.

P.M.


Looking at the path of Nathaniel Mary Quinn, you immediately think of a fiction, a modern, urban tale. This American artist grew up in Chicago in one of the worst ghettos in the US. An illiterate family, a father addicted to gambling, a mother paralyzed after several strokes and siblings composed of alcoholics and drug addicts. In the largest public housing complex in the country of which 95% live on less than $ 5,000 a year, he crosses the worst mobsters, is confronted with trafficking, thefts and daily crimes (up to 28 deaths in a weekend). His mother let him draw on the walls of the apartment, his father would take the erasers off the pencils and told him never to erase. “Every mark has meaning. If you make a mistake, make use of that mistake and turn it into something that can work for you.”

At fifteen, when he was awarded a scholarship in an exclusive college in Indiana, his mother died. When he returned to Chicago for the funeral, he discovered an empty flat; the rest of the family left without a trace. It was at this time that he made the decision to survive, to escape from a dark fate that seemed already written. He immersed himself in studies,  spent the school holidays in the wealthy families of his classmates who hosted him as he had no home. A few years later he graduated from the NYU with a MFA.

Today his portraits are those of the ghosts of the past, he explains: “Walking down the street, I get a vision. I never write them down because I never forget them. My visions are often memories I continue to hold on to, the manifestation of an indelible mark made on me by certain experiences.” Nathaniel Mary Quinn takes us into the world of his childhood populated by ferocious, intense, scary and sometimes grotesque beasts. A jungle he had to either undergo or face playing a coherent character. “We fight to convince spectators of what appears to be a seamless existence, but inside is tension, rupture and things that don’t quite fit. That is the raw you. I want to paint that.” His paintings are records of the suffering and sadness that never left him and the liberty that he won by self-acceptance. He also finds inspiration in photographs, movies, music … he loves watching videos on youtube where hip-hop producers are in their studio creating music : “you sense the existence of effortless energy, where excessive thought is not, or was not, a part of the equation.” The energy of his portraits is there, the distress they cause is present. This artist seems to come straight from Tupac Shakur’s poem : The Rose That Grew from Concrete.

P.M.

L’interstia est une technique décorative particulièrement employée en Italie au XVème siècle dans les édifices religieux. L’artiste américain, et ancien charpentier, Roddy Wildeman s’est inspiré de cette technique qui est l’ancêtre de l’ébénisterie pour réaliser ses oeuvres. Au delà du savoir-faire, ces panneaux ont pris une autre dimension lorsque l’ouragan Sandy a ravagé la cote new-yorkaise en 2012. En effet ses oeuvres sont constitués de morceaux de bois provenant de maisons, pontons et mobiliers n’ayant pas résisté à la tempête. Chaque pièce de ces oeuvres, qui peuvent en contenir jusqu’à 700, est sélectionnée par l’artiste et est à peine transformée. Il regrette que les murs ne puissent pas parler car il sait que “depuis des générations, des personnes ont vécu, aimé et sont morts en présence de ces matériaux.”

P.M.


Interstia is a decorative technique mainly used in Italy in the fifteenth century for religious buildings. The American artist, and former carpenter, Roddy Wildeman was inspired by this technique, which is the ancestor of cabinet-making, to create works of art. Beyond the know-how, these panels took another dimension when Hurricane Sandy devastated the New York coast in 2012. Indeed his works are made of pieces of wood from houses, decks and furniture weathered by the storm. Each part of these works, which can contain up to 700, is selected by the artist and is barely changed. He regrets that the walls cannot talk because he knows that “For generations, people have lived, loved and died in the presence of these materials.”

P.M.

Avec toute une génération biberonnée à la culture mainstream, bombardée de clips, de pubs, de magazines et de blockbusters, le POP art est de retour. L’artiste Eric Yahnker s’engouffre dans la brèche sans filet et sans complexe. As du crayon, il dessine des pamphlets de 2 mètres de haut qui s’attaquent à la religion, à la politique, aux icônes et symboles américains d’aujourd’hui dans un réalisme bluffant. Il vit à Los Angeles, ville du pire et du meilleur : “Comme Monet qui allait dans son jardin pour trouver l’inspiration ; je pense que Hollywood, dans une certaine mesure, est ce que je vois quand je sors pour chercher l’inspiration.” Provocateur (ou authentique) et sans retenue, il a notamment été animateur pour le film South Park. Passé par une école de journalisme, il vénère les caricaturistes comme Paul Conrad, Prix Pulitzer du dessin de Presse, mais cite aussi Mel Brooks et Woody Allen comme références. Ses oeuvres offrent une double lecture, du simple impact visuel de ses dessins géants à leur signification et leur regard sur la société américaine. Peu importe notre perception tant qu’on le voit tel qu’il se définit : “politique, têtu, absurde, sarcastique, cérébrale, perverti, idiot avec un coeur fait de testicules en or.”

P.M.


With a bottle-feeded generation with mainstream culture, bombarded with clips, ads, magazines and blockbusters, Pop Art is back. The artist Eric Yahnker rushes into the breach without a net and without complex. Ace of the pencil, he draws 2 meters high lampoons that jeopardizes religion, politics, icons and symbols of today’s America with a stunning realism. He lives in Los Angeles, the city of the worst and the best, “like Monet going into his garden to find inspiration.  I guess Hollywood, to some degree, is what I see when I go outside looking for inspiration.” Provocateur (or genuine) and without restraint, he was animator for the South Park movie. Trained in a school of journalism, he worships cartoonists like Paul Conrad, Pulitzer Prize for editorial cartooning, but also cites Woody Allen and Mel Brooks as references. His works offer a double reading, from the simple visual impact of its giant drawings to their meaning and look on American society. Whatever our perception as long as we see his works as he defines himself “political, stubborn, absurd, sarcastic, cerebral, perverted, jack-ass with a heart of golden testicles.”

P.M.

Guillermo del Toro le décrit comme un “maître du Rococo post-industriel”. Les incroyables sculptures de l’artiste américain Kris Kuksi, conçues en partie d’objets de récupération et de figurines de maquette, racontent autant d’histoires qu’il y a d’angles et de détails à observer. Elles nous plongent d’abord dans un univers morbide et rendraient fier tout pirate qui en ornerait la poupe de son navire. Il s’inspire autant de l’art gothique que de l’iconographie heavy metal – ayant passé sa jeunesse passée à reproduire les pochettes d’albums d’Iron Maiden qui, à l’époque, représentaient pour lui la plus haute forme d’art. Kuski qualifie son travail d’équilibre entre chaos et symétrie et on y trouve un caractère religieux (“Saint Michel Tuant le Serpent”) ; pour lui “l’homme est limité par son avidité et sa négligence. Alors qu’il en a conscience, il ne fait pas toujours le bon choix pour améliorer son sort.” Il déclare que “si l’homme pouvait faire face à ses pulsions sombres, il pourrait les surmonter.” Une quête de rédemption qu’il illustre dans ses sculptures qu’il fabrique dans son studio du Kansas… situé dans une vieille église du 19ème siècle.

P.M.


 

Guillermo del Toro describes him as a “post-industrial Rococo master”. The pieces of the American artist Kris Kuski, partly made of salvage and model kit parts, tell as many stories as there are angles and details to observe. They plunge us in a morbid universe and would make proud any pirate having it on the stern of his ship. He uses references from gothic art  iconography but also from heavy metal culture resulting from his youth spent reproducing the Iron Maiden album covers which, at the time, for him the highest form of art. Kuski describes his work balance between chaos and symmetry and there is also a religious reading to his work (Saint Michael Killing the Serpent); for him, “the man is limited by his greed and negligence. Even if he knows it, he is not always making the right choices to improve his fate.” He said that “if man could embrace his dark impulses, he could overcome them.” A quest for redemption illustrated in his sculptures built in his studio based in Kansas… in an old 19th century church.

P.M.

Si vous avez toujours rêvé d’un monde où vivent des licornes qui pètent des arcs-en-ciel, Seonna Hong, elle, l’a certainement visité. Cette peintre et illustratrice américaine, protégée de Takashi Murakami, raconte : “J’ai beaucoup déménagé et je me faisais des amis à l’école primaire en leur dessinant Garfield et Hello Kitty”. Cette touche-à-tout a enseigné l’art aux tout petits, écrit un livre de dessins pour enfants et gagné un Emmy Award pour la production d’un dessin animé. Dans sa dernière série de peintures “If You Lived Here I’d Be Home By Now”, Seonna Hong distille pourtant une certaine mélancolie dans cet univers rose bonbon, dans ses paysages fantastiques qui ne sont pas sans rappeler ceux de Peter Doig.

P.M.


If you’ve always dreamed of a world inhabited by unicorns pooping rainbows, Seonna Hong has already visited it. This American painter and illustrator, spotted by Takashi Murakami, says: “I moved around a lot but I made friends by drawing Garfield, Hello Kitty and Strawberry Shortcake characters in grade school.” This gifted multi-tasker artist taught art to little children, wrote a children’s book and won an Emmy Award as cartoon’s producer. In her latest series of paintings “If You Lived Here I’d Be Home By Now”, Seonna Hong yet exudes a certain melancholy in this pink candy universe, in her fantastic landscapes that are somehow reminiscent of Peter Doig’s.

P.M.