Dans cette deuxième partie Shane Lynam nous explique la façon dont il a construit son style. Ayant fait des études dans ce domaine, il s’intéresse à l’impact de la conjoncture économique et des décisions politiques sur l’urbanisme à travers le temps. Son regard se pose sur l’évolution des interactions des populations avec ces lieux parfois anachroniques mais qui tentent de s’adapter à la société d’aujourd’hui. Il nous livre également son avis de photographe sur l’âge d’or que l’Irlande a connu avant de s’effondrer à la crise de 2008.

“La photo devenait quelque chose que j’aimais mais je n’en étais pas encore convaincu.”

“Rentrer dans le monde de la photo à Paris est assez délicat. En particulier quand on débute, c’est un milieu un peu fermé.”

“Quand je photographie des lieux, je m’intéresse à leur historique. J’essaie d’identifier comment leur différentes strates d’histoire économique et politique se traduit dans l’architecture ou l’urbanisme.”

“Je pense qu’il faut aller dans des villes moins évidentes pour les photographes d’art et trouver le moyen de les rendre intéressantes.”

“J’aimerais beaucoup faire une grande série aux Etats-Unis. Notamment pour ce qui s’est passé ces 10/15 dernières années au niveau économique.”


In this second part Shane Lynam explains how he built his style. Having done studies in this field, he is interested in the impact of economic and political decisions on urban planning through time. His fixes upon the evolution of interactions between the population and sometimes anachronistic places that are trying to adapt to today’s society. He also gives us his photographic review of the golden age that Ireland has experienced before collapsing to the 2008 crisis.

“Photo was getting to something that I liked but I really wasn’t sure about it.”

“Getting into photography in Paris is quite tricky. Especially when you’re starting it’s quite a kind of closed world.”

“When I’m photographing spaces I’m interested in the history that formed that space and whether we can see the layers of political and economic history in the buildings and the surfaces.”

“I think you have to go to cities that are less obvious for art photographers and try to find a way of making them interesting.”

“I would love to make something big in the US. Because of what has happened there the last 10/15 years economically.”

Shane Lynam est un photographe irlandais qui s’est fait sur le tard. Vivant successivement à Dublin, Paris et Bruxelles, il a fait des études d’économie et de sciences politiques qui le destinaient davantage à l’administration publique européenne. Il fait l’acquisition de son premier appareil photo, un peu par accident, à la fin de ses études alors que la vente des appareils numériques explose. Peu initié à l’art, ce n’est qu’au début de sa carrière professionnelle qu’il s’y intéresse et en particulier à la photographie. Lorsqu’il emménage à Paris il est frappé par l’exposition de Raymond Depardon, “La France”, qui aura une immense influence sur son style.

“J’avoue que quand j’étais à l’université à Dublin, je n’allais pas particulièrement voir d’expositions.”

“J’envisageais de faire carrière à Bruxelles, à la Commission européenne.”

“L’exposition de Raymond Depardon m’a vraiment marqué. Ça se voit dans le travail que je fais

“Prendre des photos est rapidement passé d’une activité du week end à quelque chose d’obsessionnel.”

“La photo ne se limite pas au cliché, c’est aussi un moyen d’exprimer des idées en créant une narration. Avec 15 ou 20 photos on peut raconter des histoires”

P.M.


Shane Lynam is an Irish documentary photographer who came to photography relatively late in life. After growing up in Dublin, Paris and Brussels, he studied economics and political science that destined him more for a possible career in the European public administration. He acquired his first camera, quite by accident, at the end of his studies while the sales of digital devices exploded. Although art had not played an important role in his life during his undergrad years, his interest grew rapidly as his career developed and especially in photography. When he moved to Paris he was struck by the exhibition of Raymond Depardon, “La France”, which will have a huge influence on his style.

“I have to say that when I was in college in Dublin I wouldn’t have been going to a lot of art shows.”

“I was thinking of working in Brussels in the European Commission.”

“Raymond Depardon’s show definitely left a mark. You can see it in the work now. It’s the idea of capturing the banal and see how it can be so interesting.”

“Taking pictures very quickly moved from something that was at the week ends to something that was almost obsessional.”

“Photography is not about one shot, it’s very much about how you can express ideas with a narrative. With 15 to 20 photos you can tell stories.”

P.M.

Avec ses silhouettes fantomatiques noyées, comme diluées au milieu de décors grandiloquents, les portraits de groupe de l’artiste irlandaise Genieve Figgis transforment les modèles en ombres, des taches noires figurant leurs orbites vides, leurs corps légèrement tordus jusqu’à en devenir grotesques. Dans son studio à County Wicklow, pas très loin de Dublin, elle imagine des scènes inquiétantes, se déroulant dans des demeures isolées où des messieurs posent sur leurs destriers et les femmes dans leurs boudoirs. Richard Prince a commencé il y a deux ans à la suivre sur Twitter ce qui a déclenché pour elle la publication de son premier livre “Making Love With the Devil” chez Fulton Ryder et une exposition à la Half Gallery à New York.
Très ironique, son travail revisite les peintures de Gainsborough, Fragonard, joue sur les codes des peintres de cour qui la fascinent comme Velázquez, Goya et Holbein. Derrière tout ça, la mort rôde évidemment, comme elle le dit elle –même : « la mort est à l’arrière-plan de tout, non ? »  Ces ombres-là fascinent, sorte de cauchemars moites, de mauvais rêves flamboyants mais déjà disparus, de souvenirs flous qui ne laissent derrière eux qu’un sentiment d’absurdité. Genieve Figgis appuie aussi sur la dimension humoristique de ses tableaux : « Quand nous sommes enfants, nous sommes endoctrinés avec une Histoire faite de faits et de dates. Je tente de ramener cela à la vie avec plus de réalité et de l’humour. En tant qu’Irlandais, vous vous devez d’avoir un vrai sens de l’humour. Certains pensent que mon travail est sombre, certains pensent qu’il est fou, certains pensent juste qu’il est hilarant. »
D.V.

With ghostly figures drowned as diluted amid grandiose sceneries, the group portraits of Irish artist Genieve Figgis transformed the models into shadows, black spots as their empty eye sockets, their slightly twisted body becoming grotesque. In her studio in County Wicklow, not far from Dublin, she imagines disturbing scenes, occurring in isolated houses where the men stand on their steeds and women in their boudoirs. Richard Prince began two years ago to follow her on Twitter what led  to the publication of her first book “Making Love With the Devil” at Fulton Ryder and to an exhibition at the Half Gallery in New York.
Very ironic, her work revisits the paintings of Gainsborough, Fragonard, plays on the codes of court painters who fascinate her, as Velázquez, Goya and Holbein. Behind all this, death lurks course, as she says « Well, death is in the background of everything, isn’t it? » These are fascinating shadows, sort of sweaty nightmares, flamboyant bad dreams or already missing, fuzzy memories that leave behind a feeling of absurdity. Genieve Figgis also relies on the humorous dimension of his paintings: “When we’re little we’re brainwashed with history that’s just facts and dates. I try to imagine it back to life with more reality and a sense of humor. Being Irish, you have to have a wicked sense of humor. Some think my work is dark, some think it’s crazy, some just think it’s hilarious.”
D.V.