Maia Cruz Palileo est une artiste américaine née à Chicago et issue d’une famille d’immigrés philippins. Fascinée par ses origines elle se nourrit d’histoires racontées par ses parents et grands-parents sur leur archipel et leur mode de vie. Artiste pluri-média, elle a un jour souhaité créé une installation reconstituant le salon de ses grands-parents en se basant notamment sur des photos et des vidéos des années 80. Elle a fait le constat que tout était finalement très américanisé ce qui a développé son intérêt pour la mémoire des migrants, leur motivation et leur désir ou non d’oublier leur vie passée. Elle est retournée aux sources pour visiter ses oncles et tantes restés au pays, se baigner dans l’atmosphère locale et s’imprégner de souvenirs.

Sa dernière série de peinture est un mélange de toutes ces expériences ; les souvenirs de son enfance, les histoires et photos ramenées du pays et ses propres souvenirs. Certaines de ses toiles reproduisent de vieilles photos de familles abîmées par le temps. Elle comble les zones sombres avec les images de végétation qu’elle a retenu de son voyage. Elle substitue les couleurs de son imagination aux flous des clichés.

“Mes notions de la maison ont changé au fil des années. Dans ce sens, elles sont respirables, poreuses et légères, plutôt que denses et impénétrables. Je pense que la mémoire et l’imagination sont le liant qui permet de fusionner des récits existants, ceux-là même, sont perméables, changent toujours et sont remplis de trous. Je suis aussi très attirée par l’hybridation et par le mélange entre des univers et des époques. Nombre des personnages dans mes peintures ont un pied dans deux monde différents.”

P.M.


Maia Cruz Palileo is an American artist born in Chicago and from a family of Filipino immigrants. Fascinated by her origins she feeds on stories told by her parents and grandparents about their archipelago and their lifestyle. Cross-media artist,  one day she wanted created an installation recreating the living room of her grandparents notably based on photos and videos of the 80’s. She noted that everything was actually very Americanized which developed her interest for migrants memories, their motivation and their desire or not to forget their past life. She traveled to her roots to visit her aunts and uncles back home, roaming in the local atmosphere and soak up memories.

Her latest series of paintings is a mixture of all these experiences; the memories of her childhood, stories and pictures and the memories brought back from her travel. Some of her paintings reproduce old photographs of families damaged by time. She fills the dark areas with images of vegetation that she recalled from her trip. She substitutes the snapshot blurs with colors from her imagination.

“My notions of home have changed over the years. In that way, they are breathable, porous and light, rather than dense and impenetrable. I think memory and imagination are the glue for merging existing narratives, and they, too, are permeable, always changing and filled with holes. I am also definitely drawn to hybridity and to mixing worlds and time periods. Many of the characters in my paintings tend to have one foot in two separate worlds.”

P.M.

Sam Leach a débuté sa carrière dans les finances publiques au bureau des impôts australien dans lequel il a travaillé près de 12 ans. Diplômé en économie, mais dessinateur amateur, c’est à l’âge de 21 ans qu’il a eu sa première révélation artistique, lors d’un voyage en Europe. Là, il découvre les oeuvres de Gerhard Richter ou encore Gunther Forg qui lui donnent envie faire de l’art contemporain et de créer son propre style. Il prend alors des cours de perfectionnement et, petit à petit, la peinture devient son activité principale quand il commence à en vivre. Il n’en oublie pas sa vie antérieure car sa peinture s’intéresse aussi à l’impact de l’économie sur la société. Marqué par la peinture flamande du 17ème siècle, notamment poussée par le capitalisme d’entreprise, il reproduit lui-même des paysages peints à l’époque.

“J’ai trouvé un lien fascinant entre les halls d’entreprises et la peinture architecturale hollandaise au 17ème siècle. Le fait que cette période corresponde à l’essor du capitalisme m’a beaucoup interpellé car j’y ai vu de nombreux impacts esthétiques. Je me suis demandé à quel point les images produites à cette époque reflétaient la façon dont on structurait notre société aujourd’hui.”

L’influence de la science sur la société l’intéresse également beaucoup. Les disques ou traits figurants sur ses oeuvres nous font penser à des infographies économiques ou à des atomes sans relief, sans émotion.

Les animaux, parfaitement représentés sur ses peintures, sont un peu à notre image, à la fois impactés par les dérives du capitalisme et parfois oubliés dans les bouleversements créés par les progrès de la science.

“Je veux être capable de lire une certaine émotion ou une intention chez les animaux, mais qu’elles soient propre à ce qu’est l’animal. Les qui me servent de modèle sont habituellement dans des zoos, ou empaillés ou en tout cas prennent un pose qui sous entend qu’il a déjà eu une interaction avec l’homme.”

Que ce soit dans le portrait ou les paysages, Sam Leach excelle. Il a remporté en 2010 les prix Archibald et Wynne qui récompensent respectivement ces deux formes de représentations picturales.

Sa première monographie a été publiée en 2015

P.M.


Sam Leach began his career in the Australian Tax Office where he worked nearly 12 years. A graduate in economics, but drawing as a hobbyist, it is at the age of 21  that he had his first artistic revelation, while traveling in Europe. There, he discovered the works of Gerhard Richter or Gunther Forg that made him want to make contemporary art and create his own style. He then took advanced courses and gradually painting became his main activity when he started to make a living from it. His former life left a mark though as we see in his paintings an interest in the impact of the economy on society. Marked by Flemish painting of the 17th century, particularly driven by corporate capitalism at that time, he reproduces landscapes painted at the time.

“I came across a fascinating link between corporate foyers and the architecture paintings made in the Netherlands in the 17th century, and the fact that this period corresponded with the rise of corporate capitalism really resonated with me because I could see aesthetic echoes everywhere. It made me ask: ‘What is it about images that were produced during that era that have something to say about how we structure our society now?”

He is also very interested by he influence of science on society. The circles or lines in his work remind us of economic infographics or atoms… Without relief or emotion.

Animals, perfectly represented in his paintings are somewhat in our image, both affected by the excesses of capitalism and sometimes forgotten in the turmoil created by the progress of science.

“I want to be able to read some sort of emotion or intention in the animal, but at the same time have the emotion or intention specifically non-human and relevant to the animal on its own terms. The animals that serve  as models are usually in zoos, or stuffed or otherwise posed as there has always been human interaction already.”

Whether in portrait or landscapes, Sam Leach excels. He won the 2010 Archibald and Wynne prizes which respectively recognize both forms of pictorial representations.

His first monography has been published in 2015.

Lorsqu’on regarde le parcours de Nathaniel Mary Quinn, on pense immédiatement à une fiction, un conte moderne, urbain. Cet artiste américain a grandi à Chicago dans l’un des pires ghettos des États Unis. Une famille illettrée, un père accro au jeu, une mère paralysée après plusieurs accidents vasculaires cérébraux et une fratrie composée d’alcooliques et de toxicomanes. Au sein du plus grand complexe de logements sociaux du pays dont 95% des habitants vivent avec moins de 5 000 $ par an, il croise les pires truands, est confronté aux trafics, aux vols et aux crimes quotidiens (jusqu’à 28 morts en un week-end). Sa mère le laisse dessiner sur les murs de l’appartement, son père retire les gommes de ses crayons et lui explique “qu’il ne faut jamais effacer. Toute trace a une signification. Si tu fais une erreur, utilise la pour la mettre à profit dans ce que tu réalises.”

A quinze ans, alors qu’il a obtenu une bourse d’étude dans un collège huppé de l’Indiana, sa mère décède. Lorsqu’il revient chez lui à Chicago pour les obsèques, il découvre un appartement vide ; le reste de sa famille es parti sans laisser de trace. C’est à ce moment là qu’il prend la décision de survivre, d’échapper à un destin sombre qui semble pourtant déjà écrit. Il se plonge dans les études, passant les vacances scolaires dans les familles aisées de ses camarades de classe qui veulent bien l’héberger alors qu’il n’a pas de toit. Quelques années plus tard il est diplômé en art de l’université de New York.

Aujourd’hui ses portraits sont ceux des fantômes du passé, il explique : “Je marche dans la rue et j’ai des visions. Je ne les note jamais car je ne les oublie jamais. Mes visions sont souvent des souvenirs qui continuent de m’habiter, la manifestation d’une marque indélébile faite par mes expériences.” Nathaniel Mary Quinn nous plonge dans l’univers de son enfance, peuplé d’un bestiaire féroce, intense, effrayant et parfois grotesque. Une jungle qu’il fallait soit subir, soit affronter en jouant un personnage cohérent. “On se bat pour convaincre les spectateurs d’une vie apparemment homogène, mais en nous il y a une tension, une rupture et des éléments en contradiction. C’est notre état brut. C’est ce que je veux peindre.” Ses peintures sont le témoignage de la souffrance et de la tristesse qui ne le quittent jamais et de la liberté qu’il a gagné en s’acceptant. Il trouve aussi son inspiration dans les photographies, les films, la musique… il adore regarder des vidéos sur youtube où des producteurs de hip-hop sont en studio en pleine création : “vous sentez l’existence d’une énergie sans effort, où une pensée excessive ne fait pas partie de l’équation.” L’énergie de ses portraits est là, le trouble qu’ils provoquent est bien présent. Cet artiste semble sortir tout droit du poème de Tupac Shakur : The Rose that Grew from Concrete.

P.M.


Looking at the path of Nathaniel Mary Quinn, you immediately think of a fiction, a modern, urban tale. This American artist grew up in Chicago in one of the worst ghettos in the US. An illiterate family, a father addicted to gambling, a mother paralyzed after several strokes and siblings composed of alcoholics and drug addicts. In the largest public housing complex in the country of which 95% live on less than $ 5,000 a year, he crosses the worst mobsters, is confronted with trafficking, thefts and daily crimes (up to 28 deaths in a weekend). His mother let him draw on the walls of the apartment, his father would take the erasers off the pencils and told him never to erase. “Every mark has meaning. If you make a mistake, make use of that mistake and turn it into something that can work for you.”

At fifteen, when he was awarded a scholarship in an exclusive college in Indiana, his mother died. When he returned to Chicago for the funeral, he discovered an empty flat; the rest of the family left without a trace. It was at this time that he made the decision to survive, to escape from a dark fate that seemed already written. He immersed himself in studies,  spent the school holidays in the wealthy families of his classmates who hosted him as he had no home. A few years later he graduated from the NYU with a MFA.

Today his portraits are those of the ghosts of the past, he explains: “Walking down the street, I get a vision. I never write them down because I never forget them. My visions are often memories I continue to hold on to, the manifestation of an indelible mark made on me by certain experiences.” Nathaniel Mary Quinn takes us into the world of his childhood populated by ferocious, intense, scary and sometimes grotesque beasts. A jungle he had to either undergo or face playing a coherent character. “We fight to convince spectators of what appears to be a seamless existence, but inside is tension, rupture and things that don’t quite fit. That is the raw you. I want to paint that.” His paintings are records of the suffering and sadness that never left him and the liberty that he won by self-acceptance. He also finds inspiration in photographs, movies, music … he loves watching videos on youtube where hip-hop producers are in their studio creating music : “you sense the existence of effortless energy, where excessive thought is not, or was not, a part of the equation.” The energy of his portraits is there, the distress they cause is present. This artist seems to come straight from Tupac Shakur’s poem : The Rose That Grew from Concrete.

P.M.

Il ne faut pas toujours prendre la peinture trop au sérieux. C’est ce qu’Armand Jalut exprime dans ses toiles avec parfois même une volonté de caricature. Le message n’est pas forcément dans ses sujets mais surtout dans son esthétique. “Les sujets de mes peintures ou de mes dessins sont mis au service d’un processus où entrent en jeu différents effets de style. Le réalisme et l’abstraction, la virtuosité et le ratage, la distance et le macroscopique, le raffiné et le vulgaire, la sensualité et la pornographie. Ces ambivalences visent à démystifier une prétendue vérité de la peinture, et une vision trop romantique du peintre.” Lors d’un séjour à Los Angeles, ville des mirages, il a été inspiré par l’esthétique des pubs American Apparel avec ses jeunes filles ultra érotisées dans des fringues aux couleurs acidulées . Ses peintures mêlent oiseaux de paradis ou fruits juteux avec des chromes ou des structures de moteurs. C’est tape-à-l’oeil, c’est un bonbon fluo ultra chimique mais tellement bon, c’est une bimbo à la french manucure et au brushing ultra laqué ; oui mais c’est une revendication, un manifeste.

P.M.


You don’t always have to take painting too seriously. This is what Armand Jalut expresses in his works with even a caricature purpose. The message is not necessarily in his subjects but more in his aesthetic. “The subjects of my paintings and my drawings are in the service of a process where different effects of style occur. Realism and abstraction, virtuosity and failure, distance and macroscopic, refined and vulgar, sensuality and pornography. These ambivalences aim to demystify the alleged truth of painting, and an overly romantic view of the artist.” During a stay in Los Angeles, a city of mirages, he was inspired by the aesthetic of American Apparel billboards with ultra eroticized girls in clothes with bright colors. His paintings combine birds of paradise or juicy fruits with chrome or motor structures. It’s gee-whiz, it is an ultra chemical neon candy but so good, it’s a bimbo with French manicure and an ultra lacquered blow-dry; yes but it is a claim, a manifesto.

P.M.

Il le déclare lui même : “Je ne pense pas qu’il y ait une seule manière de voir mon travail qui soit bonne.” L’artiste britannique Keith Tyson n’a cessé de repousser ses limites depuis qu’il a gagné le prix Turner en 2002. Et en effet il a multiplié les formes d’expressions, de la sculpture à la peinture en passant par des installations générées par des programmes informatiques. Il teste les frontières de l’art qu’il compare à une partie d’échec : “dès que vous prenez une position, vous envisager la suivante, mais celle-ci dépend de possibilités quasi infinies entre les deux joueurs.” Ses oeuvres sont comme une matrice réparties en séries et en systèmes ; elles abordent les sciences, la philosophie et même la science-fiction. Dans ses récentes peintures, il travaille sur d’anciennes toiles récupérées dans des vide-greniers. Après les avoir restaurées, il en enduit une partie de la surface avec du gesso et peint par dessus. Il donne ainsi un caractère quantique à ces toiles qui deviennent pluridimensionnelles. “J’aime l’idée que deux artistes qui ne se sont jamais rencontrés et qui sont séparés de plus d’un siècle créent une sorte d’interférence sur la toile, que les deux styles de peinture deviennent lié comme les vagues de l’océan sont connectées les unes aux autres dans un continuum à travers les âges.”

P.M.


He declares himself : “I don’t think there’s a specific way of viewing my work that is correct.” The British artist Keith Tyson has been stretching his boundaries since he won the Turner Prize in 2002. And indeed hes has multiplied his forms of expression, from sculpture to painting through the installations generated by computer programs. He tests the boundaries of art that he compares to a game of chess : “as soon as you have one position you are on to the next, but it is about the near infinite possibilities between the two players.” His works are as a matrix, divided into series and systems ; they address science, philosophy and even science fiction. In his recent series, he works on ancient paintings he finds in second hand shops. After repairing it he scraps over its surface with gesso and paints over it. Thus he gives a quantum character to these paintings that become multidimensional. “I like the idea that two artists who had never met and were separated by over a century had created a kind of interference pattern on the canvas;  that the two styles of painting had become linked just as all the ocean waves are connected to each other in a continuum throughout the ages “

P.M.